Certes, défigurer une jeune technicienne sur un plateau avec un tesson de bouteille est une grave chose qui ne peut provenir que d’un irresponsable, et qui surtout ne redorera pas le blason d’une profession (la nôtre) très souvent brocardée pour le manque de… « Sérieux » de ses membres, mais mon propos du jour traite d’autre chose.
A la faveur de l’avènement prochain du 50e anniversaire du FESPACO, l’Union des cinéastes du Burkina a initié une démarche auprès du Président du Faso qui s’est avérée concluante. Un milliard de francs servira à financer les œuvres du cinéma national dans l’espoir que le rendez-vous de février 2019 ne soit pas manqué. Seulement voilà, très vite, les « vautours » du ministère de la culture se sont fondus sur cette promesse et organisent déjà des messes basses dans le but de constituer des commissions pour montrer aux cinéastes, comment cet argent sera utilisé. D’où, notre question : Les cinéastes Burkinabè sont-ils si… « irresponsables » que ça?
Où étaient-ils ces burocrates si prompt à implanter des commissions et de ceci ou de cela (où ils siègent à grands coups (coût aussi) de perdiems) se faisant complices de projets bancals pour ensuite recevoir des dessous de tables ? Depuis un certain nombre d’années, ce sont les même qui sélectionnent et dictent la loi de répartition de la manne ministérielle, oui, mais pour quel résultat ? Quel contenu à la fin quand on voit les films retenus qui se sont fait pendant ces années?
Tout le monde s’accorde à dire que le talent est bien là dans le cinéma national. Les très bons projets sont là. Pourquoi donc ça ne marche pas ? On avait vite fait de croire que c’est l’argent qui manque mais un regard rapide sur les sommes englouties ces dernières années dans le financement public du cinéma et nous nous rendons compte que le problème est bien ailleurs.
Dans un précédent article nous écrivions que bien souvent «l’argent du cinéma est allé ailleurs que dans le cinéma ». Par soucis de clarté nous avons exigé (en vain) que soit fait un audit général des 20 dernières années du financement public du cinéma. Que les listes soient publiés avec tous les montants et on verra où l’argent est allé et si cela a vraiment contribué à faire des films de qualité.
L’UNCB qui a pris l’initiative de la rencontre avec le Chef de l’Etat, ne pouvait-elle pas organiser elle-même la gestion de ces fonds ? Nous attendons la suite de cette chronique d’un échec annoncé…
On ne cessera de le dire, le cinéma burkinabè est en grande partie otage depuis un certain temps des « coupeurs de route », ces « cinéastes improvisés, moralisateurs et prétentieux qui n’ont de mérite que leurs relations avec les milieux politiques ou affairistes ». Oui, on nous dira que l’économie ou la sociologie du cinéma a changé et que tout le monde peut aspirer à faire du cinéma, seulement, à quoi nous sert alors l’ISIS-SE et les autres structures de formation ?
Les fossoyeurs du cinéma burkinabè sont aussi ces « spécialistes, théoriciens à deux balles » assis dans leurs bureaux climatisés prêts à descendre tel ou tel cinéaste plutôt que son projet. Le cinéma burkinabè est hypothéqué par des bavards et des administratifs de bon poil qui pour la plupart n’ont jamais fait un film ni écrit un scénario, comme ce DG qui étalait son toute son ignorance du cinéma lorsqu’on lui parlait de STRUCTURE DRAMATIQUE d’un scénario, et qui s’est mis à sortir des incongruités….
C’est connu, la panacée pour l’administration c’est la mise en place d’une commission pour n’importe quoi. Pour masquer leurs carences ils feront appel sans doute à un ou deux professionnels qu’ils mettront devant, puis se retrancheront derrière ce vernis pour justifier leurs forfaits. Tout nous pousse à croire que le cinéma est mis sous tutelle parce que ses animateurs sont irresponsables.
Tenez ! Dans un récent appel à projets du Ministère de la Culture, dont le but est de « soutenir les jeunes cinéastes », il est fait appel à des projets d’auteurs âgés de 20 à 45 ans. Oui, c’est vrai, on est jeune de 7 à 77 ans mais n’est-ce pas là simplement de l’infantilisation qu’on fait de nos cinéastes? Ou alors les lèches-culs ont-ils voulu flatter la fierté de leur ministre en retenant 45 ans comme âge limite pour les jeunes pousses ? S’il y avait une véritable politique en faveur de la jeunesse, ça se saurait et un auteur à 45 ans ne serait pas en train de chercher à faire un premier court-métrage.
Le jeune cinéaste malgache Luck Razanajaona est trentenaire mais est déjà un réalisateur confirmé et primé à travers le monde, la sénégalaise Diana Gaye à 42 ans, en est à son troisième long-métrage et c’est une cinéaste majeure d’Afrique.
A 37 ans, Leila Bouzid la tunisienne a déjà gagné le Tanit d’or des JCC, etc.
Il est vrai que dans la vie comme dans la création artistique, chacun va à son rythme mais ce genre de proposition révèle surtout le manque de vision et d’ambition de ces bureaucrates tout-puissants qui prennent plaisir à décider de ce qui est bon pour le cinéma et les cinéastes de notre pays.
Abraham Y. Y