Dans un article critique sur la sélection documentaire du FESPACO en 2011, Olivier Barlet écrivait dans Africultures « La pédagogie, voilà la grande tentation. Le public juge souvent un film à son message et apprécie les films qui confortent ce qu’il pense déjà, non sans vouloir découvrir une nouvelle culture et de nouveaux visages, voire se laisser emporter par de somptueux paysages. Mais est-ce la raison du filmage, du cinéma et de l’art en général ? Quand le cinéma perd ses moyens, quand il ne retrouve plus le style de ses auteurs, il se fait reportage et ne participe plus à la réflexion »
C’est sans doute ce que cherche à faire comprendre aux publics depuis quelques années le documentaire de création, et les rencontres qui lui sont annuellement consacrées au Burkina Faso, les SOBATE.
C’est en février 2010, faut-il le rappeler, sous l’impulsion de Africadoc Burkina que les Sobaté sont nées « pour faire découvrir le documentaire de création » à travers « des séances de projection, des échanges avec les producteurs locaux, un atelier de réflexion, une formation… ». La première édition a également vu le lancement d’un « laboratoire d’éclosion de projets de films ».
Près d’une décennie après, où en sont les SOBATE ?
Un bref état des lieux du documentaire national
De 2010 à nos jours, le cinéma documentaire national s’est largement étoffé avec l’arrivée de nouveaux auteurs et de nouvelles œuvres de qualité saluées à des festivals prestigieux. Même si au regard de la sélection en compétition documentaire du FESPACO (thermomètre national par excellence) les burkinabè ne sont pas encore très présents : En 2011, deux films sélectionnés, « Sibi l’âme du violon de Michel Zongo » et « Paris mon paradis de Eléonore Yaméogo » en 2013, un seul film en compétition, « Parole de couple de Roger SOME », en 2015, un seul film « La sirène de faso fani » de Michel Zongo et en 2017 « Sossobala de Nissi Joanny Traore et le réveil de l’éléphant de Souleymane Drabo ». C’est très peu en réalité comparativement aux autres genres (Fiction long métrage et court-métrage, série télé) où la présence burkinabè est très relevée, même si on sait que la section panorama du FESPACO a aussi retenu des documentaires burkinabè de qualité.
Ces dernières années des auteurs comme, Parfait Galadio KABORE, Aissata OUARMA, Mamounata NIKIEMA, Laurentine BAYALA, Adama SORGHO, Serge Désiré OUEDRAOGO, Delphine YERBANGA, ont proposé des regards novateurs à travers des œuvres intéressantes, permettant de croire en l’avenir radieux de notre cinéma documentaire. Sur leurs traces, de nombreux auteurs choisissent aujourd’hui de s’exprimer par le documentaire de création, et c’est tant mieux.
Il faut saluer alors l’apport incontestable de Africadoc, le programme de l’ASSOCIATION ARDECHE IMAGE et lui rendre hommage pour le travail que cette association fait depuis des années. Combien de basses critiques ont été faites sur les initiateurs de ce projet et leurs intentions ? Heureusement que contre vents et marrées ils ont avancé avec des objectifs clairs dont les résultats sont palpables aujourd’hui sur le terrain.
Zone de turbulences
Confucius disait que « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Et cela, Africadoc-Burkina l’a aussi expérimenté en son sein où une mini-crise a éclaté il y a quelques années. Il a fallu le courage et l’intransigeance de Mamounata NIKIEMA et Laurentine BAYALA pour résister et contrer la véritable « OPA » initiée par certains opportunistes qui croyaient que l’heure était enfin venue de tirer profit des retombées de l’association et du festival.
Pour l’édition en cours, l’un des premiers partenaires nationaux importants, l’Institut Français, a refusé de recevoir la manifestation après avoir essayé (dit-on) de lui imposer plusieurs choses au programme. Impensable de voir les SOBATE se tenir ailleurs qu’à IF Ouaga ? Et pourtant…
Il y en a qui y ont tout de suite vu une mort programmée des SOBATE mais c’était sans compter avec la pugnacité et le courage du groupe des organisateurs qui se sont vus largement ouvrir les portes du centre culturel allemand.
Cependant, pour la pérennité de l’organisation, il faudra beaucoup plus que du courage et de la ténacité. Une fois de plus on aimerait se tourner vers les pouvoirs publics burkinabè, maintenant que des initiatives privées ont fait le travail depuis presque une décennie, quel sera le soutien de l’état ? Il est vrai que de façon timide, le Ministère en charge de la Culture a souvent apporté son soutien aux SOBATE mais pour cette édition en cours, on attend toujours.
Est-ce le chauvinisme où le manque de clairvoyance qui pousse encore nos dirigeants dans leurs discours à attribuer ostensiblement à Ouagadougou le titre de « capitale du cinéma africain » ? On a donc une capitale africaine du cinéma sans une réelle politique nationale du cinéma ? Quel programme, quel financement et quelles perspectives pour le cinéma documentaire burkinabè ?
Vivement l’acte deux des Etats Généraux du cinéma au Burkina Faso.
Une overdose de films
Lorsqu’il devient important, la question du calendrier d’un évènement s’est toujours posé à ses organisateurs. Le mois d’avril est-il un bon moment pour les SOBATE ? On se rappelle qu’à ses débuts, c’était février qui était choisi, sauf que ce mois, est occupé par le duo FESPACO/JCFA.
Les SOBATE arrivent en avril, à un moment où on a l’impression, avec l’après FESPACO surmédiatisé, que le public est en overdose de films. Certes, il y aura toujours des gens pour venir voir des films mais il nous revient également que d’autres évènements tendent à ravir la vedette au festival en cette période. Il ne se passe presque plus un mois sans que les habitants de Ouaga ne reçoivent une offre de manifestation autour du cinéma : Ciné-droits libre, semaine du cinéma européenne, toiles animées, pour ne citer que ceux-là.
Il nous souvient qu’une ou quelques éditions ont pu se tenir de façon simultanée à l’IF Ouaga et à l’IF Bobo. La faible audience du documentaire plaiderait alors pour que le festival (si les moyens le permettent) se délocalise dans les régions ou provinces où la soif de voir des films de qualité est établie depuis longtemps. Les conseils régionaux et la politique de décentralisation y verrait une bouffée d’oxygène.
Des villes comme Koudougou accueillent un festival de documentaires organisé par Michel ZONGO mais faut-il attendre que les autres régions aient un fils dans le cinéma qui va leur créer un festival ?
Nul doute, les SOBATE 2017 qui se tiennent au GOETHE INSTITUT de Ouagadougou relèveront une fois de plus le défi de servir aux cinéphiles un cinéma documentaire de qualité, conformément au mot de Jean Renoir qui disait que : « L’art du cinéma consiste à s’approcher de la vérité des hommes, et non pas à raconter des histoires de plus en plus surprenantes».
Lamoussa LILLYELA