La direction du FESPACO a reçu cette année 1134 inscriptions, toutes catégories confondues, et la dure loi de la sélection fait que tous les films méritants ne peuvent pas être retenus.
Parmi ces œuvres non sélectionnées, nous avons choisi de vous en présenter quelques-unes qui sont d’un intérêt certain.
Deuxième partie : Les Courts-métrages de fiction que vous ne verrez (peut-être) pas…
01 SECONDE de Adef DJAZZ et Nicolas MOUEN (France/Haiti)
« Quand il s’agit de faire le bon choix, prendre son temps, c’est prendre le risque d’en manquer »
A l’aube du confinement lié à la crise sanitaire, dans la ville de Paris, Joaquim, est à un moment de sa vie où tout semble s’écrouler au tour de lui.
Désespéré et par amour des siens, c’est l’arme au point qu’il décide de prendre la situation en main…
Adef DJAZZ, jeune réalisateur français d’origine Haïtienne, est un passionné de cinéma et de storytelling. Il se forme de manière autodidacte aux métiers de l’image, d’abord au sein de son église, puis rapidement, il est sollicité par plusieurs artistes indépendants pour la réalisation de leurs clips.
En 2016, fort de ces années d’expérience, il passe à la fiction pure et crée avec Nicolas Mouen le collectif « Very Black Team », qui a pour but de créer du contenu cinématographique en direction des réseaux sociaux.
« O1 seconde » est un très court-métrage prenant, sec, et percutant. Le film est bien servi par une musique bien à propos, et une prestation talentueuse (comme toujours) de Emile ABOSSOLO.
Mimtiri D.
AWA de Déborah BASA KABAMBI (RD CONGO)
Le choix d’un titre pour un film obéit à des raisons parfois évidentes, mais quelques fois aussi, obscures et nous nous sommes demandé après visionnage, pourquoi ce titre pour ce film?
On entre dans ce film sur la pointe des pieds, comme par curiosité, comme pour ne pas déranger. « Félix, n’oublie pas … »
La frontière entre la fiction et le documentaire est souvent si mince, et dans ce film on le constate une fois de plus.
Lorsque sa mère disparait, l’attente de Divine est longue. Maman Pauline ne veut pas l’aider alors, elle reste. Puis la pluie se met à tomber. Le temps passe. Elle ne revient pas.
Myriam BALE dans le rôle de Divine est superbe, sa mère (Starlette MATATA) également. Mis à part une utilisation abusive et injustifiée des images de drône, le travail tient la route.
Née à Kinshasa, la réalisatrice Déborah BASA est licenciée en communication sociale à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication (IFASIC).
Elle travaille dans Bimpa production comme gérante et productrice associée et pilote plusieurs projets de films fictions comme documentaires. Depuis 2019, elle accompagne les projets de femmes et les aide à se lancer dans le cinéma en leurs facilitant l’accès à la formation et au renforcement des capacités.
Elle signe là, un beau film simple, sur des gens simples.
G.D.
BROKEN DRUMS de Marcellin BOSSOU (TOGO)
Depuis l’arrivée de Denis Essohanam KOUTOM à la tête de sa direction nationale, la Cinématographie Togolaise a pris un nouvel envol et l’embellie se note par une percée internationale (certes encore timide) de quelques œuvres de jeunes cinéastes. Marcellin Bossou est un de ces porte-drapeaux du nouveau cinéma togolais et son film Broken Drums aurait mérité une meilleure place dans la sélection de la biennale du cinéma africain de Ouagadougou.
Paternité, exil, émigration, le film par ces thématiques enrobées d’une mise en scène énergique et d’une photo agréable arrive à nous toucher. Encore sans doute un peu verte, l’écriture pêche par endroit, mais à la vue du générique final, on garde un beau souvenir de cette production.
Déborah GANDA dans le rôle de la jeune fille est aussi un pur talent en gestation. Sans nul doute, le film fera une carrière honorable et d’autres festivals internationaux seront ravis de l’avoir dans leur sélection.
A Yasser BABA
CONFIDENCE de Mamadou TRAORE (MALI/2020)
Dans l’univers du cinéma, une jeune dame fait ses premiers pas en tant que comédienne. Elle doit faire face aux harcèlements de tous les genres de la part du Réalisateur, de l’assistant, des comédiens, ou autres techniciens.
Aicha voit son rêve de devenir star s’effondrer. « Pour eux, j’étais une proie facile ». Malgré ces mauvaises expériences, elle persévère, garde la tête haute et y arrive à la fin, elle invite alors les comédiennes novices comme elle à ne jamais céder. Message d’espoir. Au moment où le cinéma mondial est secoué par le mouvement MeToo, voilà une œuvre autocritique du cinéma africain qui se regarde sans fard. Le propos est universel et on est tenté de se demander : Combien de carrières brisées, de vies brisées ?
Il est heureux de constater que le film « Confidence » est une idée de Awa Bagayoko qui a travaillé avec le Réalisateur Traoré.
Puisse les choses changer, les langues se délier et surtout les pratiques néfastes cesser car les couloirs continuent de bruisser de scandales de tous genres.
HORS JEU FLAGRANT de Sami TLILI (TUNISIE/2020)
Une nuit d’hiver. Un match capital : deux pays se disputent le seul billet qualificatif à la coupe du monde de football.
Un homme conduit sa voiture dans des rues désertes. Deux policiers en patrouille suivent le match à la radio de leur voiture, jusqu’à ce que la transmission s’interrompe … La passion ravageuse du football a encore frappé !
« S’il fait plus porter le suspense sur les mobiles de l’action que sur l’action elle-même, l’auteur assaisonne l’ensemble d’une mécanique pince sans-rire qui sied au décor ».
Avec une réalisation relançant sans cesse l’intrigue, en instillant une atmosphère redoutable, il parvient à donner à ses images une grande force qui nous captive.
On prend plaisir à suivre ce film de de Sami Tlili et on comprend mieux pourquoi il a été présenté et célébré au célèbre Festival de court-métrage de Clermont-Ferrand.
Mimtiri D.
INTO THE DEN de Joseph AKAMA (CAMEROUN)
Owona est bien un jeune homme curieux et hanté. « Arrivé en ville pour poursuivre ses études, Owona va cohabiter avec Boris son cousin du village, Diana et Mann, deux allemands suivant le même programme que lui.
Owona espère construire une vie loin de la sorcellerie qui règne dans son village. Le rêve tourne au cauchemar quand il découvre qu’une entité rôde dans la maison pendant la nuit. Pris au piège, Owona va devoir choisir entre continuer à fuir et faire face à son destin. »
Cadrage et lumière sont très bien travaillés et sont à mettre à l’actif de Eugène SOTTI. L’acteur secondaire Assala KOFANE dans le rôle de Boris crève l’écran. Voilà un thriller angoissant dont la durée (35 mn) en fera une œuvre non exploitable en l’état, tant les formats de distribution sont stricts.
A.Y.B
LE BON CHOIX de Lionnel KOUKOUE (COTE D’IVOIRE)
« Un jeune professeur est recruté tout fraichement dans une école de la place. A son arrivé il se retrouve confronté à la sévérité de son Directeur et à la tentation d’avoir des relations avec ces jeunes élèves. Sachant pertinemment que ces prédécesseurs ont été renvoyé pour les mêmes faits. »
Ce quatrième court-métrage de Lionnel KOUKOUE est d’un style branché et plaisant mais le scénario pêche car plombé par des redondances et une intrigue à corser.
Il faut saluer cependant le talent de deux Actrices (Eva OULAI et Inès KALOU) qui brillent de mille feux et qu’on aimerait bien revoir dans des rôles plus épais et denses…
G.D
NSI l’EAU QUI COULE SOUS LES PONTS de K. Steve W. (CAMEROUN)
Un homme veut se suicider afin que sa famille touche son assurance vie, mais dans la plage où il se rend, il rencontre deux individus qui veulent se suicider pour des raisons qu’il juge stupide. Il tente donc de les sauver et affronte leur traumatisme postcolonial commun.
En regardant ce film on se dit que quelque chose n’est pas à l’endroit et on a envie de se pencher pour mieux voir, ou alors carrément incliner notre téléviseur… Kamdeu Steve Wilfried est un autodidacte qui nous livre ici une curiosité cinématographique. Sans aucun doute. Filmer à l’envers n’est pas courant mais cela suffit-il à faire « original » ?
La distorsion de la forme nous évite de rentrer dans le sujet (O combien important pourtant) pour mieux partager les émotions des personnages.
La prestation des comédiens laisse à désirer et le titre est à l’image du film lui-même : bizarre !
Mimtiri.
ONTOGENESIS de J J NOTA (MOZAMBIQUE/2020)
Voici un film coup de poing, qui vous met un uppercut sec et déstabilisant. Ce petit bout de film (il dure cinq minutes) plait parce qu’il est fort et bien construit.
Une entreprise est accusée de déverser des déchets toxiques dans la mer, un journaliste d’investigation, Carlos CARDOSO enquête et fait exploser le scandale, mais il finira abattu dans la rue.
Film hommage au téméraire journaliste mozambicain d’investigation tué en 2000 suite à la publication d’un article…
Un autre Norbert Zongo. Un autre éveilleur des consciences… Mais combien de vies de journalistes faut-il avant que l’on comprenne que la liberté d’expression est un droit fondamental ?
« Ontogénèse » nous aide à rester éveiller, à dire notre dégout et à garder vive la flamme…. Hommage !
G.D
IL REVIENDRA de Youcef MAHSAS (ALGERIE)
Un salon de coiffure. Ça ne marche pas trop et Salem, le propriétaire va arrêter définitivement son activité et revendre.
A quelques instants de la fermeture un homme et son fils, Zaki 8 ans, pénètrent dans le salon, le père insiste pour laisser l’enfant avec Salem lui expliquant qu’ il a quelque chose d’important à faire et qu’il reviendra le chercher juste après.
Salem commence à couper les cheveux du petit tout en discutant avec lui, quand soudain une forte explosion retentit, un attentat terroriste vient d’être commis dans une rue voisine, à la tombée de la nuit, le père n’est toujours pas revenu, Salem se retrouve seul avec Zaki…des heures passent, des jours passent, des semaines passent, des mois passent…
Salem et son épouse qui n’ont pas eu d’enfant, se mettent à s’attacher de plus en plus au petit, mais un beau jour, son père revient le chercher…
Un film émouvant qui nous transporte dans un univers où innocence et poésie se mêlent.
G.D.
BARZAKH de Hussein HOSSAM (EGYPTE)
Un artiste caricaturiste persécuté pour son job dans un milieu plein d’intolérants, soumet ses documents pour un visa dans ce qui semble être une ambassade. Après un interrogatoire vigoureux et une insistance de sa part pour obtenir ce visa, nous découvrons qu’il est en fait au purgatoire, et plaide sa cause pour cesser son existence sur terre.
Retourner d’où on vient est impossible…
Le Réalisateur Hussein HOSSAM un amoureux des arts, et spécialiste du cinéma, adepte dévoué des idéaux révolutionnaires. « Je crois qu’il est de notre devoir, en tant que cinéastes du Moyen-Orient, de raconter l’histoire de nos générations, la génération du printemps arabe, aussi honnêtement et aussi inquiétante que possible, afin de ne pas se laisser emporter par les vagues du temps ».
L’option de raconter l’histoire en noir et blanc, assombrit d’avantage le propos. La bande sonore est enrichie par des coups à la porte qui n’arrêtent pas durant tout le film…. L’acteur Baha CHBANi a « la gueule de l’emploi ».
« Barzakh » désigne le temps qui sépare la mort d’une personne au jour de la résurrection, c’est surtout un film fort, une allégorie puissante dans l’antre de ces ambassades inhumaines…
Mimtiri D.
BLAKE de Vincent FONTANO (LA REUNION)
Deux vigiles dans un parking souterrain d’un immeuble de bureau surveillent de belles voitures. Le parking est vide et la nuit risque d’être longue. Pour se tenir compagnie, ils évoquent leurs philosophies, leurs blessures, leurs rêves.
Sélectionné à plusieurs festivals de films du monde, ce film plaisant à voir est une « ode à l’amour et à l’imaginaire » qui aurait largement mérité d’être au FESPACO 2021 même si son réalisateur est déjà sur les plateaux en tournage pour un autre bijou sans doute.
« Que nous reste-il si on nous enlève nos rêves ? »
D’origine réunionnaise, Vincent Fontano, acteur, auteur et metteur en scène, se définit comme suit :
« Je suis né une nuit sans vent. Fils de personne, je n’avais pour moi qu’une grand-mère ancre qui me portait par le col. Une grand-mère qui ne s’exprimait qu’en parabole, le reste du temps, taiseuse. Moi, qui n’avais rien, elle m’a fabriqué un héritage de souvenirs invérifiables et de mots trop petits pour n’avoir qu’une seule définition. Un oncle, premier bachelier noir de La Réunion, un grand-père premier ingénieur marron et un arrière-grand-père artiste, enfin faussaire, qui a fini sa vie au bagne à Cayenne. Narquoise, ma grand-mère me demandait : et toi, tu feras quoi ?
Un jour, je lui ai répondu que moi, je serais celui qui raconterait leurs histoires à elle et aux autres. Ma grand-mère sourit et me répondit qu’elle reconnaissait bien là ma paresse. Promesse tenue, j’écris. Ne vous étonnez donc pas de cette malfaçon dans mon langage. Je porte mes morts dans mes doigts. Ils ne sont pas toujours très dociles. »
Vivement le prochain Fontano !
Yasser BABA.
LOVENA de Olivier SAGNE (HAITI)
Lovena, 13 ans, sans-papiers d’origine haïtienne, vient d’être sacrée championne d’échecs en Guyane. Son prochain rival fera le déplacement du Brésil mais elle n’a pas de visa et risque de manquer cet évènement.
Olivier Sagne a fait ses premiers pas en télévision avant de se lancer au cinéma où il acquit une grande expérience aux côtés de grands metteurs en scène.
Il s’inspire de son vécu dans un quartier populaire de Guyane, pour nous livrer ici « Lovena », une œuvre touchante bien servie par la candeur de Esther JOSEPH l’actrice principale, qui brille de mille feux aux côtés de son charismatique entraineur.
Difficile de ne pas remarquer ce film à la thématique sociale forte et admirablement cadré.
Mimtiri D.