Rarement documentaire a pris son temps pour nous introduire son sujet avec une telle tension et une telle attente. Où sommes-nous ? Où allons-nous ? le film se déplie avec poésie, lentement mais puissamment. Là où la conversation Fille-Mère aurait été en « IN », ce sont les éléments du décor qui nous sont servis. Puis des photos, et enfin (seulement à la sixième minute) un visage. Enfin ! « Comment vas-tu maman ? » cette question revient et revient…Qui es-tu ? et qui suis-je ?
La mémoire, quel géant inconnu… La dégénérescence physique et mentale fait froid au dos.
Dans ce film, tout en célébrant la Mémoire de sa mère, l’auteur célèbre aussi celle de sa famille et retourne subtilement sur la belle (?) histoire d’amour entre son père et sa mère. Là également, elle déplore l’absence d’une photo d’elle et de lui. Progressivement, l’histoire de la mère « jetée » après la fuite du père pour la Belgique est retracée. On devine comment la mère a souffert avec ses enfants pour les éduquer et les nourrir sans aide, sans appui. La séparation, l’éloignement, les privations, les retrouvailles en Belgique… puis la mère vide le père de la maison car il est devenu accro à l’alcool, au jeu et à la politique. Puis voilà, l’autre père…
On sort de cette conversation avec une absente (pas de l’histoire) par une chanson. Le printemps est passé et les feuilles mortes présentent au début du film sont toujours là, à la fin… et l’on découvre qu’elles couvrent la tombe de Aicha, la mère.
Karima Saidi est à la base une monteuse, et ça se voit dans ce film. Son histoire nous prend aux tripes et ne nous lâche plus. Le jury documentaire saura-t-il saluer comme il se doit cette œuvre majeure ?
A.Yasser BABA