Hier, j’ai vu Deborah, ta nièce qui travaille chez COFINA. Elle m’a dit « Mon oncle est souffrant, il s’est retiré au village ». Un ton de reproche teintait ses propos avant qu’elle ne conclue : « Après tout ce qu’il a fait, personne ne se soucie de savoir ce qu’il devient. »
La charge est redoutable, tant elle illustre la triste réalité de nombreux serviteurs de l’Etat, aujourd’hui en retrait. Je me risque donc à lui répondre en disant que « L’administration est hélas, comme ça… ».
« Je ne parle pas de l’administration, mais de ces artistes pour qui il a tant fait. »
Voulait-elle que, comme Alino Faso (qui l’a souvent fait) on se saisisse du dossier pour agiter la toile ? « Non, mon oncle ne demande pas la charité, ni la pitié de personne. ». Immédiatement, le souvenir d’un proverbe Egyptien me vient à l’esprit « Si l’on vient vous dire qu’une montagne a changé de place, permis à vous de croire ; mais si l’on vous dit qu’un homme a changé de caractère, n’en croyez rien. » J’ai soupiré et pensé à la légende du colibri, et j’ai alors décidé de « faire ma part », aussi minime soit-elle.
Cher aîné Bossofa, Pythagore donnait le conseil suivant « Repose-toi d’avoir bien fait, et laisse les autres dire de toi ce qu’ils veulent ». Pour ma part je voudrais te parler « d’un temps que les moins de vingt ans, ne peuvent pas connaître… » Ce qui t’arrive est le lot de beaucoup de pionniers sous nos cieux. Et Saki disait « Ne jamais être un pionnier. Au Premier chrétien, le lion le plus affamé. »
L’histoire de l’audiovisuel nous enseigne qu’au début des années 60, « Les films auxquels les Beatles ont collaboré à divers titres étaient émaillés de scènes musicales. L’ambition première de leurs productions était de diffuser leurs titres dans les cinémas afin d’élargir encore leur public. Mais la curiosité et la fantaisie des quatre musiciens rendirent les séquences consacrées aux chansons au sein des films de plus en plus créatives. » C’est ainsi que « Une force nouvelle voyait le jour, née de l’association de la musique pop, des images et du cinéma. ».
Quelques années plus tard « Lorsque le groupe Queen envisage la promotion du morceau « Bohemian Rhapsody » en 1975, un problème se pose : il est musicalement trop complexe pour être joué en live. L’idée de réaliser une vidéo pour le promouvoir s’impose naturellement. » Le vidéo-clip venait de naitre officiellement.
Dans les années 90 « Les majors compagnies investissent de plus en plus dans ce moyen de promotion des artistes, les budgets de tournage deviennent conséquents, allant jusqu’à rivaliser avec ceux des productions de cinéma. Les images créées deviennent prédominantes, prenant parfois le pas sur la musique elle-même. En même temps, le nombre de chaînes télévisées augmente… »
Presque au même moment, au Burkina, Michel Bossofa SOME consacre ses talents de réalisateur à la musique nationale en créant et animant en 1985 l’émission REEMDOOGO et il accompagne la réalisation de premiers clips burkinabè. Que de chemin parcouru pour la musique nationale et ses artistes…
« Si je dois décrire MBS, je dirai que c’est un homme à l’esprit vif, créatif, jamais à court d’idées. » ces propos d’un ancien de la RTB, je les confirme en ajoutant, que tu es un peu comme un bâton de dynamite, chargé et prêt à exploser… de talents.
De nos jours, les tenants de la scène musicale locale savent-ils encore qui est Bossofa alias MBS ? Poser la question ne veut pas dire que cela est indispensable, obligatoire… Non, mais le sage nous enseigne que « la termitière vit parce qu’elle ajoute de la terre, à la terre… »
Cher Bossofa, comment oublier toute ta contribution pour la musique nationale et la culture nationale ? La rage de ta nièce est certes légitime, mais nos angoisses quotidiennes nous éloignent très souvent des choses simples mais essentielles.
En espérant que ta santé s’améliore rapidement pour que tu continues à féconder des talents, je partage avec toi la pensée d’un philosophe et poète américain, qui te correspond parfaitement : « Peu importe ce que dit la pendule ou ce que disent les attitudes et les labeurs des hommes. Le matin est là lorsque je suis éveillé et que j’ai de l’aube en moi. »
G. D.