La direction du FESPACO a reçu cette année 1134 inscriptions, toutes catégories confondues, et la dure loi de la sélection fait que tous les films méritants ne peuvent pas être retenus.
Parmi ces œuvres non sélectionnées, nous avons choisi de vous en présenter quelques-unes qui sont d’un intérêt certain.
Première partie : des Courts-métrages documentaires que vous ne verrez (peut-être) pas…
CAUSE OF DEATH de Jyoti MISTRY (AFRIQUE DU SUD)
Des images d’archives en noir et blanc montrant des femmes de tous âges et de tous les horizons, une bande sonore riche, tout cela fait de ce film une véritable performance visuelle et sonore qui vaut le détour.
L’auteure nous plonge au cœur de l’histoire et du social en nous rappelant le rôle et la place des femmes, des mères, filles et sœurs de tous les temps.
Brimades, lapidations, noyades, pendaisons, voici le lot et les causes de mort chez plusieurs de ces femmes à travers les temps…
Beau travail audiovisuelle avec un impact social fort, ce bout de film s’inscrit dans la tradition de ce que fait Jyoti MISTRY, sa réalisatrice.
Professeure Associée au Département Arts, Film et Télévision de l’Université de Witwatersrand à Johannesburg (Afrique du Sud) ses recherches portent sur les cinémas nationaux, les cinémas africains, les études culturelles et l’art contemporain.
Mimtiri D.
COLLINES MON PARADIS EN CHANTANT De Chabi Adimi Wens BIAOU (BENIN)
Proposé dans la catégorie documentaire, cette œuvre se révèle être (au mieux) un bon reportage télé pour découvrir les richesses culturelles des chants et danses de la région Centre-Bénin.
Alourdi par un commentaire trop présent et presque trop savant, la longue compilation de moments où danses et chants sont commentés, et sans interviews, finissent par lasser.
Cette finale avec un concert reggae est quasiment anachronique mais le film est riche d’indices culturels que l’on aimerait bien découvrir à travers une œuvre future plus fouillée, et sans doute plus longue.
Mimtiri D.
CONFINES DEHORS de Julien GOUDICHAUD (France)
La pandémie de la Covid bat son plein, mais un autre drame se joue, dehors dans les rues vides : celui des « sans domicile fixe », qui ne peuvent plus faire la manche.
L’un d’eux a fait 10 km sans rien trouver. Poignant, inoubliable… L’autre fouille les égouts à la recherche de la moindre pièce…. Une prostituée doit bosser malgré les soucis avec la police qui ne veut voir personne dehors.
Il y a surtout le témoignage de « l’homme incapable de voler » …
Le film s’ouvre et se ferme par une femme qui a peur du monde « je m’assoies sur un banc et j’attends », dit-elle, comme pour paraphraser le poète qui chantait… « je monte sur une braise, et je crie ».
On gardera longtemps en mémoire cette scène où le SDF fait un geste magnifique et touchant de laisser les fourchettes récupérées dans un égout pour que le restaurateur les retrouve, car ça coute cher…
- Je commence à en avoir marre, il faut que je me relève ! »
- Du moment que tu es un SDF, tu es une merde. En dessous même de la merde ! »
Et… cette beauté de l’image (presque de carte postale) fait contraste avec la misère et le drame qui se joue… Vivement le déconfinement !
Mimtiri D.
HISTOIRE D’UN MARDI DE JANVIER Pierre Michel JEAN (HAITI)
Ce jour-là, entre rires et blagues le Réalisateur (encore étudiant à l’époque) et ses camarades préparent une belle fête de leur faculté de Droit. Survient alors l’horreur : un tremblement de terre qui les marquera à jamais.
Une dizaine d’années après, les amis se retrouvent en se remémorant cette journée. Caméra au poing mais aussi avec des images d’archives ils retournent sur les lieux du drame en se posant une seule et même question : qu’est-il advenu à la dame prise dans les décombres qui criait à l’aide et qu’ils n’ont pas pu secourir ?
Emouvant et profondément humain !
Mimtiri D.
LE CERCLE BRISE de Lobé NDIAYE (SENEGAL)
« Si aujourd’hui, les jeunes vivent le phénomène de l’émigration clandestine, c’est parce que la mer ne les nourrit plus » Lamine DRAME est maire de Kayar, une petite bourgade en bord de mer et il sait de quoi il parle.
A cause des politiques inadaptées, des méthodes de pêche qui ne tiennent pas compte d’une gestion durable, l’Océan Atlantique est devenu un « cimetière marin »
Les questions environnementales et d’émigration s’invitent dans ce film haut en couleur, mais un peu trop descriptif avec néanmoins des témoignages forts de jeunes qui racontent la tragédie de leur traversée clandestine en haute mer vers l’Espagne.
Après « La femme lionne » présenté en compétition officielle au FESPACO 2019, Lobé NDIAYE signe à nouveau un film avec beaucoup de mérite.
G.D.
LE NERF DE LA GUERRE de Koffi Segla OLOUGBENON (TOGO)
Film étrange s’il en faut, le « nerf de la guerre » surprend, étonne, déstabilise.
Pendant une bonne moitié du film la riche bande sonore nous accapare, entrecoupée d’images en surimpression.
« Où nous mène l’auteur ? » est-on tenté de se demander.
Le discours bien rodé des vendeurs d’illusion nous semble familier. Ce qui intrigue, c’est ce tour de prestidigitation sous-jacent, la grande messe a pour but d’en mettre plein la vue aux nouveaux adhérents de la « société » et de les inciter à « payer leur adhésion sans calculer ».
Promesses en fumée ! L’omelette a cramé !
Alors qu’ailleurs ce genre de pratiques sont interdites ou règlementées, en Afrique ces systèmes d’arnaque pyramidale ont cour et prospèrent.
Et, autre mérite… C’est assez rare pour qu’on le souligne, le film a été dédié à Aimé Kouka Zongo, l’étoile filante du cinéma burkinabè, parti trop tôt.
G.D
LEILA de Isabelle Christiane KOURAOGO (BURKINA FASO)
Leila Alaoui Felhassan, jeune photographe franco-marocaine, a été tuée lors de l’attentat du Cappuccino à Ouagadougou en 2016, alors qu’elle mettait en route un projet artistique avec Noélie Kouraogo.
Invitée à Marrakech, quelques temps après, Noélie rencontre les autres membres de sa famille, fait connaissance avec son univers, sa tombe, sa chambre, ses œuvres…
Le film s’intitule « Leila » mais ne fait que montrer le vide laissé par son absence.
Il aurait pu s’intituler « Journal d’un deuil, impossible » le sous-titre du livre écrit par le père de Leila.
L’émotion vous gagne pendant et après le visionnage du film mais on ne peut s’empêcher de se poser la question du bien fondé d’un tel film qui scrute l’intimité des parents et de l’amie de la disparue… Mais… Why not ?
La décision des parents de vendre la maison pour vendre aussi les « souvenirs », et changer de vie, sonne comme un aveu d’impuissance face à l’absence de l’être aimé.
GD
A Corps perdu de Hélène ELOI-BLEZES (MARTINIQUE)
On entre dans ce film par des images de la nature : cascades, fleurs, plantes et biodiversité, puis le corps d’une jeune femme sur fond blanc, slip blanc, tenant une fleur… La nature telle que nous l’avons trouvé en venant au monde, est belle et ça se voit dans ce film. Pourquoi donc « l’amputer », la « mutiler » ?
« Moi Coumba, je suis blessée » … Témoignages glaçants, poignants… Le témoignage de Hadja Idriss Bah est fort, direct, profond.
Des films sur l’excision, on en a vu, alors l’auteure comprend qu’il faut renouveler le propos pour le faire mieux passer. Et son pari est réussi.
A l’hôpital de Montreuil, le travail de réparations des femmes excisées, fait écho au travail du pionnier burkinabè en la matière, le Pr Akotionga.
Le titre fait référence littéralement à la perte d’un corps… en même temps qu’il évoque le choix de s’exprimer sans aucune retenue.
« Je veux aller à la rencontre du quotidien des populations et des gens qui nous ressemblent ou ne nous ressemblent pas pour nous interroger sur la façon dont les autres gèrent des questions qui nous interpellent tous. » Tout est dit.
K.K
MON EXPRESSION de Elisée SAWASAWA (RDC)
Elisée SAWASAWA commence à s’intéresser à la réalisation cinématographique d’abord en tant qu’autodidacte puis peu à peu il fait son chemin avec pour domaines de prédilection le secteur agricole et l’environnement.
Le documentaire « Mon expression » s’inscrit dans la tradition thématique de l’auteur congolais qui porte la voix de ses pairs.
Sans commentaire, sans interview, le documentaire est tout en performance.
L’inscription du début (qui aurait dû se mettre à la fin) nous enseigne que « l’art étant un mécanisme de défense, des artistes ne cessent d’utiliser leurs œuvres pour dénoncer ce qu’ils vivent »
Et c’est le quotidien de certains de ces artistes dans la région de l’Est en RD Congo que le film s’attache à nous dépeindre avec intérêt mais sans une véritable structure narrative, un peu comme si le propos à lui seul suffisait.
Mimtiri D.
SILENCE BRISE de Amanou YELEBO (TOGO)
Tout commence au pré générique avec un témoignage audio, une fille a été brutalisée, violée. Puis le réalisateur met en scène son indignation face au phénomène. On le voit, on l’entend.
Arrive alors la figure centrale qui aurait pu nous servir de fil rouge pour ce film : Elsa NAKOLE celle qui « écoute, accompagne » et fait en sorte que sa présence aide ou motive les victimes à « continuer ».
Plusieurs fois récompensé pour son travail, on découvre une battante au parcours singulier engagée dans le combat contre les violences sexuelles faites aux femmes.
Même si le film est beaucoup plus une succession de conversations, les témoignages sont glaçants, la parole se libère (silence brisé) difficilement, parfois entre deux sanglots.
Ce film coup-de-poing est mal servi par une approche un peu « narcissique » car la « star » est l’interviewer, le réalisateur himself qui prend plaisir à se filmer comme s’il était le conducteur d’un sujet aussi particulier…
Certes, le documentaire de création a souvent mis son auteur au centre de l’œuvre mais dans ce cas précis, les choix de narration plombent le résultat artistique.
A.Yasser BABA
TEMITAYO de Giovanna ATODJINOU-ZINSOU (BENIN)
Wadoo films nous livre ici une œuvre d’une trentaine de minutes, techniquement maitrisée avec Mingnoin HONVO à l’image et Mahuton GNANVI au son.
Mais difficile de classer ce film dans une catégorie comme le documentaire même si les frontières du genre sont assez floues. Docufiction ? Documentaire de création ?
Pourtant le propos est pertinent, la démarche novatrice mais l’alchimie ne prend pas car le film semble s’enliser doucement avec le long le monologue d’un spécialiste, de longues séances chez la psy qui sont tout au plus instructives, mais un film c’est surtout de l’émotion.
Irissa GUIGMA.
VERNISSAGE O de Giscard DAH-FONTON (BENIN)
« Puiser dans ce que nous avons l’habitude de regarder tous les jours, le secret que la route nous empêche de voir » écrivait Paulo Coelho. En effet, les choses les plus profondes de la vie peuvent surgir des banalités de tous les jours. C’est le propos de ce film dont le personnage principal est… une flaque d’eau.
« Vernissage O » est avant tout un tableau qu’on dépeint, presqu’un poème qu’on déclame. Il est bien servi par une photographie assez maitrisée. Pas étonnant quand on constate que le réalisateur est en même temps caméraman de profession.
On peut déplorer les plages de musique (saxo) un peu trop envahissantes.
Si c’est beau et profond comme proposition, c’est quelques fois redondant et on finit par se lasser et penser que le film aurait pu se passer d’une bonne moitié de son temps.
Mimtiri D.